Organisation millimétrée, découvertes musicales fracassantes, ambiance conviviale : les Nuits Carrées à Antibes ont une nouvelle fois été plébiscitées par le public. Mais après une croissance forte et constante, le festival a connu pour la première fois de son histoire une baisse de fréquentation. Avec 4 000 personnes sur les deux soirs du festival, il en a manqué presque 1 500 pour équilibrer le budget 2014. Un bilan financier négatif qui naltère en rien la qualité exemplaire de ce festival. Si l’exercice de l’année 2015 s’annonce d’ores et déjà difficile, les organisateurs se veulent rassurant et affirment qu’une neuvième édition aura bien lieu.
Jeudi soir, veille de l’ouverture, c’est dans un contexte délicat que les Nuits Carrées vivent les dernières heures avant l’ouverture. Alors que l’assemblée générale des intermittents du spectacle décide d’une grève symbolique, le doute plane sur le trouble que pourrait semer cette annonce dans l’esprit du festivalier. Certains ont-ils pensé que la manifestation était annulée ? Voici ce qu’évoquent les organisateurs pour expliquer, en partie, la baisse de la fréquentation. Ils tiennent tout de même à relativiser : « Si certains festivaliers ont boudé le festival par crainte d’une annulation, leur nombre est certainement dérisoire proportionnellement à la part totale des absents ».
Les organisateurs penchent plutôt pour une morosité ambiante. Alors que les intermittents affichaient « carré-ment pas content » dans leur dos, que leurs voix s’élèvent dans toute la France pour dénoncer la précarité, les problèmes qu’ils rencontrent sont révélateurs. Révélateurs de maux de société féroces. Révélateurs dune crise sociétale profonde. Là où d’ordinaire la culture sert à divertir et s’évader, c’est l’inquiétude qui s’installe. Résultat, les spectacles aussi qualitatifs et accessibles soient-ils ne se remplissent plus.
Les autres explications à donner quant à cette baisse de fréquentation sont à chercher dans la concurrence galopante. Les Nuits Carrées ont ouvert leurs portes le deuxième soir alors qu’à quelques kilomètres jouait Kool and The Gang en concert gratuit à Cannes et que la Fête du Château se déroulait à Nice. Le mondial avec les premières rencontres de huitième de finale a certainement dissuadé les plus férus de football de se rendre au festival.
Et pourtant le spectacle était au rendez-vous.
Un premier soir magistral avec en ouverture le duo Isaya. Une musique sortie des lointaines contrées américaines. De mémoire de Nuits Carrées, on avait rarement vu une première partie autant séduire le public. Puis c’est le tour du duo électro pop Saint Michel de résonner dans l’enceinte de l’amphithéâtre du Fort Carré. Alors que les esprits s’échauffent au soleil couchant, Kadebostany prend place. Dès les premiers accords, le public est ébahi. Show démentiel, musique accrocheuse, si révélation il y a, elle s’appelle Kadebostany, et elle est unanime. Car si les Nuits Carrées ont un objectif, c’est bien celui-ci : faire découvrir au grand public des formations talentueuses trop méconnues. Suivront Balthazar avec leur pop épurée et Jukebox Champions dans une grande communion de MPCs et de MCs. La soirée est une réussite, malgré une légère baisse de fréquentation.
A ce moment-là, l’équipe de Label Note est confiante et optimiste : la soirée du samedi devrait rééquilibrer les choses. Mais il n’en est rien, bien au contraire. Les prolongations, puis les penaltys du match Brésil / Chili auront raison d’une arrivée tardive du public qui va peser un peu plus sur le bilan financier. C’est Elodie Rama et ses ballades mélancoliques qui lancent le deuxième soir de festival, suivies par la musique hybride de Sweatshop. L’univers envoûtant de Submotion Orchestra sera la grosse révélation de ce samedi soir. Le show sera assuré par Lords of The Underground dans un rôle taillé sur mesure pour ces dignes représentants du hip hop américain. Kentaro quant à lui clôturera cette huitième édition dans une prestation ahurissante de technique et de créativité. Le public lacclamera, bras levés.
La réussite artistique du festival n’y fera rien. La baisse de fréquentation du festival des Nuits Carrées, placé en ouverture de la saison estivale avec une politique tarifaire de 10 euros seulement la soirée, donne le ton. Selon l’équipe de production du festival, le public sera plus exigeant et sélectif quil ne l’a jamais été auparavant. C’est pourquoi Les Nuits Carrées entendent profiter de ce bilan pour envoyer un message d’alerte fort au public, aux institutions, aux partenaires privés et aux médias : » Plus que jamais, soutenez la culture ! « .
Et parce qu’il y a toujours du bon à tirer d’une situation difficile, parce qu’il est aisé d’aller chercher des explications sans se remettre en question, Label Note tient à tirer les leçons de cette expérience. L’occasion idéale de se renouveler et surprendre le public en 2015. Un public fidèle, conquis, témoin ces dernières années de la réussite du festival. Un public sans qui rien ne serait possible. Le rendez-vous est pris pour 2015 !